Guéthary-Pasaia

Publié le par de-st-jean-a-st-jacques.over-blog.com

Dimanche 17 juin

Les climats perdus me tanneront
L'air marin brûlera mes poumons
                        
Rimbaud

Départ vers 8 h 30 pour Guéthary où j'ai pris soin de réserver en mars une nuitée dans un petit hôtel que je pense être sympa.
La route au départ, ne casse pas des glaces. Nous circulons dans une zone commerciale. Le seul avantage c'est dimanche, tout est fermé donc très calme !
Nous ne nous heurtons pas à la foule et aux voitures. Nous passons Biarritz et faisons une petite pause repas. Nous quittons vers 13 h le fameux axe BAB dont nous entendons parler depuis Bayonne (Bayonne, Anglet, Biarritz).
Le chemin devient plus agréable. Après avoir franchi le pont sur l'Ouhabia, nous longeons la mer et c'est déjà Guéthary. Nous avons fait environ 5 h de marche, mais avec beaucoup d'arrêts. 

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L'Euskara, ce langage caillouteux venu du fond des âges, commence à nous ravir l'oreille. Les ki, les ay, les tche, sont à foison et nous avons déjà l'impression de ne plus être en France.
L'arrivée à l'hôtel est quelque peu épique. C'est un jeune couple, pas encore bien rodé. Il y a un léger cafouillage pour la nuitée, ils nous attendaient pour le lundi, mon mail était pourtant très clair. Nous avons quand même notre chambre où trônent deux lits en fer.
Cette petite ville charmante était spécialisée autrefois dans la chasse à la baleine.
C'est aujourd'hui un paradis pour surfeurs avec ses superbes plages où, sans arrêt, d'énormes vagues forment des rouleaux majestueux.

 Lundi 18 juin
Vous êtes empereur, Seigneur et vous pleurez       
Racine (Bérénice)
Départ vers 8 h pour Hendaye via St Jean-de-Luz.
Arrêt prolongé à St Jean-de-Luz, après trois heures de marche, par un sentier du littoral, absolument splendide.
Les falaises abruptes présentent un feuilletage dit ''pile d'assiettes''. Nous avons conscience que la mémoire du monde est contenue dans ces roches. Étienne achète une croix basque et nous visitons la très belle église St Jean-Baptiste, au plafond en forme de bateau retourné. DSC00118Nous admirons les galeries de bois en pourtour où les hommes prenaient place pendant l'office. Les femmes elles, se tenaient debout, sur la pierre tombale familiale.

 Ici a été célèbré le mariage de Louis XIV et Marie-Thérèse d'Autriche le 9 juin 1660, dans un faste d'or et de brocart.

(Il nous sera donné de voir une chasuble portée à cette occasion).

Pauvre Louis Dieudonné !… Tu as quarante jours pour faire connaissance avec cette Marie-Thérèse et tu pleures !
Tu viens de quitter l'amour de ta vie, Marie Mancini, après un dernier adieu.
La raison d'État oblige, Mère et Mazarin aussi.
Il faut bien par cette alliance ratifier le traité des Pyrénées.
Quarante jours à vivre en la maison "Lohobiague Enea".
Regarder en face le palais de brique rose abritant cette espagnole bigote, si laide et sentant l'ail.
Racine connaît ton chagrin. En une phrase il résume ta détresse dans Bérénice.
Une petite dame aux cheveux de neige nous laisse admirer les trésors de cette superbe église et tamponne nos crédentiales. Je l’étreins avec émotion lorsqu'elle me demande de prier pour elle à Santiago. Puis nous repartons avec des étoiles plein les yeux pour Hendaye. Mais là, les choses se corsent.DSC00102

Balisage incertain, explications nébuleuses, bref, nous nous perdons plusieurs fois, nous devions arriver à 17 h. Nous arriverons à 21 h sous une pluie diluvienne, les éclairs pétant  autour de nous, fourbus, crevés !
Je saute sous la douche et Étienne saute sur son repas. Nous n'avons pas les mêmes valeurs !…

Mardi 19 juin
Le Basque, il est pas Français,
Le Basque il est pas Espagnol,
Le Basque il est BASQUE.

    Le meunier du Moulin Goïko

Départ 8 heures.
Il pleut toujours !
Aujourd'hui, Irun, nous franchissons la Bidassoa par le pont St Jacques, cette frontière naturelle entre la France et l'Espagne.
L'Espagne et son balisage de flèches jaunes, repère indispensable aux pèlerins.
Nous voyons en amont la fameuse île aux Faisans où plusieurs traités et tractations ont été signés.
Il me manque quelque chose… J'ai oublié mon bâton au gîte du Littoral. Zut ! ça me fiche le ''bourdon''.
La tête un peu vide d'avoir mal dormi, le mauvais temps qui oblige à mettre la pèlerine et surtout le fait de n'être pas encore "dans le chemin" et voilà…Quarante euros, c'est ce que me coûte mon oubli. Re-Zut !… 
Après un petit déjeuner à Irun, nous allons en direction  de la ermita Santiago. En chemin une publicité accroche plusieurs fois nos regards. Une nouvelle albergue privée s'est ouverte à quelques mètres de là. S'il pleut toujours, pourquoi ne pas s'y arrêter ?
Aussitôt dit, aussitôt fait et nous ne le regretterons pas. Cet ancien moulin, niché dans son écrin de verdure est une merveille. Il est tenu par un frère et sa sœur d'une vingtaine d'années. Le papa a acheté et retapé ce lieu pour ses enfants.
Nous goûtons à la Txistorra (tchistora), petite saucisse pimentée et grillée, entre 2 tranches de pain et un petit vin basque !
Hummmmm....
Une bonne sieste et l'on flâne en regardant le ruisseau qui passe sous la terrasse en bois. Le beau temps est revenu.DSC00137Nous sommes heureux, tout simplement.
Le soir autour d'un festin nous faisons connaissance de Diego Feoli de Bergame :
- Si tu passes à Bergame, viens me voir, voici mon adresse. 
Il est professeur en géologie.
C'est ça aussi le chemin ! Des gens de passage, que tu ne reverras plus, mais qui te laisseront une trace dans le cœur par leur gentillesse, leur hospitalité et leurs connaissances.
La nuit est bercée par le doux bruit du ruisseau qui coule sous ma fenêtre.

 Mercredi 20 juin

Il était un petit bateau
qui faisait des ronds dans l'eau…                                       

                                 Chafouin
Départ 7 h 30 (à regret) de ce havre de paix pour Pasaia.
Le temps est couvert mais doux.
Nous grimpons doucement pour atteindre le versant nord du Jaizkibel.
Le chemin forestier serpente entre chênes et eucalyptus.
Étienne adopte son rythme de croisière et me met 6 minutes dans les dents, donc environ 300 m.
Nous convenons de nous retrouver au début de chaque hameau ou village.
Il est midi, j'attends sur les marches descendant sur Pasaia. Lui, m'attend sur un banc vers le port !… On se retrouve enfin dans un éclat de rire. Nous ne sommes pas encore bien rodés.
Pasaia (Le Passage) est un village portuaire magique, avec une seule rue.
Victor Hugo y séjourna l'été 1843.
Il y arriva par hasard et séduit par la beauté du paysage, y resta une saison.
Pause déjeuner dans un resto donnant sur la mer. Nous sommes attablés depuis 1 h, lorsque Chafouin me dit : 
- Écoute Marie, tu peux me dire ce que fait ce bateau vert qui fait des ronds dans l'eau ? Ma parole, il ne trouve pas la sortie !
- Heu !… Étienne, c'est la navette que nous prendrons demain et qui passe d'une rive à l'autre !…
Un ange passe… Puis nous pleurons de rire et entre deux hoquets, il m'avoue que ça fait au moins trois quarts d'heure qu'il est intrigué par son manège.DSC00140Nous visitons l'église fortifiée, admirons le retable baroque sculpté par Sébastien Lucuona et Filipe Arizmendi,  véritable trésor inattendu.
Demandons un coup de tampon sur notre crédentiale au curé.
- Péregrinos ?
- Si…
- Pfff… No celo !…
Vilain bougon. 
Bref, il n’en a rien à foutre !
C'est ça aussi le chemin… 
Notre albergue Santa Ana est une ancienne chapelle dominant le village.DSC00143Anglais, Allemands, Espagnols et Français font connaissance.
Nous admirons au coucher du soleil les longues trainières. 
Ces barques effilées fendent l'eau et leurs rameurs musclés, dans un accord parfait, abaissent leurs rames, frappant l'onde d'un sourd clapotement.

 

Publié dans Camino del Norte 2012

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